Jeudi 22 août, 17h, le TGV (qui fait 6h, tout est normal) Toulouse-Paris, me traîne avec malice jusqu’à la capitale. Dernière bouffée de liberté avant la rentrée. Comme la période de vacances avait débuté sur une note festivalière, c’est en toute logique qu’elle se soit terminée de la même manière. Bonjour Rock en Seine.
23 août, première aventure matinale, récupérer les places au Novotel au pied du Pont de Sèvre. Forcément c’est deux kilomètres plus tard l’hôtel dûment dépassé, que l’on se rend compte que l’on est peut être un peu loin, mais une heure après tout va bien. Enfin sur le site, on peut se reposer un peu dans des transats, tout en étudiant le programme des trois prochains jours.
Par quoi commencer ? Un petit tour du site s’impose, afin de repérer les différentes scènes (la grande, celle de la Cascade, celle de l’industrie, et enfin la scène Pression Live) et comprendre son organisation. Le tout semble agréable, entre endroits festifs, points de repos, stands de nourritures et de boissons gratuites (merci Curly et Iced Tea) ou encore une grande roue qui permet de dominer l’ensemble.
Avant 17h, ce n’est que de loin que l’on discerne sonorités et silhouettes, tel celles des quatre Savages, qui égrènent un rock tendance punk, qui donne du punch à l’après midi.
C’est ensuite Belle and Sebastian qui nous accueillent sur la grande scène. L’herbe encore tendre et verte s’offre à nous, et doucement allongées on profite de leurs mélodies ensoleillées. Résonne ensuite la phrase culte, et adorable du festival : « Je vois que quelqu’un agite le drapeau écossais ! Soyez honnêtes, c’est pour nous ou pour Franz Ferdinand ? Pour nous ? Ohh, vous êtes mignons, bisouSSE ! « balancée par Stuart Murdoch. Comment ne pas craquer et avoir envie de les apprécier ?
19h45, Alt-J ∆, petite déception car trop mou. En fait, le problème n’est pas là, ils sont égaux à eux mêmes, le public aussi est présent, mais les conditions ne sont pas idéales. C’est un concert à écouter assis, le vent dans les cheveux, plutôt qu’entassés. Seules quatre morceaux fausses ce jugement : Estocada, Breezeblocks, Fitzpleasure et Mathilda, qui font plaisir à entendre et à bouger.
C’est ensuite le deuxième groupe écossais qui prend la relève pour un set survitaminé qui navigue entre anciens tubes et découvertes de leur nouvel album, Right Thoughts, Right Words, Right Action. En effet, les Franz Ferdinand sont des habitués de la scène et paraissent aimer leurs auditeurs, vu la manière dont ils les traitent. C’est avec un rien de nostalgie que l’on profite du concert, le sourire apposé sur nos lèvres.
Un oubli honteux de Kendrick Lamar plus tard, c’est Paul Kalkbrenner le roi qui nous transcende. Le temps file à toute allure sous les beats de l’allemand. Plus rien n’a d’importance, excepté lui, excepté la musique, excepté l’ambiance qui règne là, suspendu dans les airs. C’est un shoot de Saint Paul Ka, qu’il faudrait s’administrer tous les jours pour vivre en paix et heureux. Et puis lui, et sa joie enfantine semblable à un regain d’innocence, est communicative ! On en demande encore et encore, mais quand Sky and Sand s’abat dans nos oreilles on comprend que la fin est proche alors on énumère les paroles tous ensemble, en regrettant que Fritz ne soit pas de la partie. Aaron termine simplement le set du pape de la minimale et de la techno, et c’est encore abasourdi que l’on vide les lieux.
Seule ambition qu’il reste de cette soirée, regarder encore une fois Berlin Calling pour encore un peu rêvasser. Mais une chose est à faire remarquer, sur l’électro, le son de la grande scène retransmet mal les basses, qui montrent comme une nécessité absolue l’usage de bouchons !
Samedi 24 août. C’est plus tard que la veille que le métro nous emmène docilement jusqu’au point de rendez-vous de nos tympans. Arrivée à 18h, notre premier impératif est bien plus tard, à 19h45 avec Patrice. Dans l’attente du concert, une autre ritournelle (si je puis dire) nous a amenées scène de l’industrie. C’est le masque d’abord qui frappe … Mais qui est cet homme singe, rendant le public digne de la faune d’une jungle ? On ne le saura pas, en dehors de ce surnom, Kid Noize, mais notre transformation est immédiate. On passe du statut de calme festivalier, à celui de proie d’une musique bestiale, féline, vintage et groovy. Une découverte bien cachée dans le paysage du festival, qu’il ne fallait pas manquer.
Ah, Patrice, quel nom étrange, presque rédhibitoire pour certains, qui ne savent à quoi s’attendre. Entre reggae, soul, blues ou hip hop, ses compositions calmes, légères et pourtant dansantes, animent d’un vent paisibles le cœur des gens présents. On se balance en rythme, libre comme l’air.
Après un décevant passage à Jackson and His Computer Band, chez qui rien ne semble coller et s’emboîter, on perd notre chaire dans le bloc humain se formant pour Vitalic. Il enfile sonorités électro avec brio, et creé des pogos ravageurs. Mais un oubli majeur, a fait perdre une partie du bonheur d’être en compagnie du français … Poney Part 1 a bel et bien manqué, et pourtant des tubes il en a donné : No Fun, Stamina, La mort sur le Dancefloor et j’en passe des meilleurs.
Si vous aimez les thérapies de groupes, les poumons en feu, et les voix cassées vous vous êtes sûrement écrasés entre les corps présents pour Fauve ≠ ! Des groupies, peut-être mais mieux cachées que dans une salle étroite leur étant dédié (au groupe pas à elles) ! Des curieux, des fans, des festivaliers, des connaisseurs et de nouveaux amateurs composent la population fauvesque de cette fin de soirée. Un intéressant mélange, heureux, venu extérioriser ses peurs et ses malheurs pour se réjouir de vivre, c’est ça Fauve ≠, de l’émotion. Les chansons, elles y sont toutes passées, de Blizzard, Haut les cœurs, Cock Music Smart Music, Nuits Fauves, Saint Anne, 4000 îles, Rub a Dub ou Kané mais avec quelques nouveautés qui laissent dans l’attente d’un album pour l’instant inachevé. En live ou à l’écoute les parisiens restent une affaire à suivre …
Surprise de la soirée, au détour du bar VIP, on aperçoit la silhouette de Norman …
Dimanche 25 août, la pluie s’abat depuis le matin sur la ville grise. La seule idée qui peut germer dans un cerveau normalement constitué, est de rester enfermé chez-soi avec un bon film, mais Rock en Seine oblige, cette envie est vite refoulée.
Fatiguée de la veille, c’est à reculons que je me dirige vers le domaine national de Saint Cloud. Mais, comme dit Emir Kusturica : « la vie est un miracle » et à Hemingway de répliquer : « Paris est une fête », donc une fois le pied posé sur le lieu du festival, la pluie s’arrête. En revanche, la boue, elle, est bien de la partie.
16h55, Mac Miller entre sur scène au son de Yellow Submarine des Beatles, dont le refrain est fredonné en cœur, un bon début en somme. Mais ce premier espoir est vite démenti. Le jeune américain livre souvent des disques de grandes qualités, mais là, la déception va crescendo. Mis à part la voix que l’on retrouve vaguement, le tout ne fonctionne pas, comme si les sons ne pouvaient s’accorder. Et puis, s’ambiancer se révèle être impossible. On ne peut que concéder que jusqu’au bout des bras, le rappeur a le style, mais rien de plus. Il faut aussi avouer qu’il y a eu deux bons moments, avec Knock Knock tout d’abord, et ensuite lorsqu’est débité Donald Trump. Mais autrement …
L’enchaînement avec Is Tropical à 17h50 est bien plus réjouissant. Electro, pop et rock sont les styles entre lesquels naviguent les trois anglais, qui donnent une atmosphère enjouée et dansante à la fin d’après midi, à l’image de leur dernier album, I’m Leaving, qui est une belle démonstration de ce qu’est une BO d’été. Acidulé et bien maîtrisé, leur set est monté pour un festival.
Quelques petites impasses plus tard, me voilà plantée, au milieu d’un marécage crée à partir de terre imbibée d’eau et de bière, pour assister au live des Bloody Beetroots. Étonnant est le maître mot de leur prestation. Et dans le bon sens qui plus est ! Toujours électro mais plus rock, avec des instruments traditionnels, les Bloody sont presque virtuoses. Et puis le décor laisse béat. Imaginer ces grands punk masqués jouer du piano ou chanter dans un micro vintage très 50’s a fait oublier l’inconfort de la situation. Le point d’orgue est l’arrivée impromptue de Mat B. de Skip The Use, très en forme, pour déverser un flot criard de paroles sur une production des italiens.
20h45, Mashup The Dance résonne. Major Lazer entame la grande récréation pour adulescents. Avouons que d’un point de vue technique, un dj passe des disques pendant que quelques personnages (dont Diplo et deux danseuses) animent la prestation. On ne pourra donc pas considérer ça comme de « l’art ». Ceci mis à part, le show est époustouflant et ne s’essouffle à aucun moment. Et puis le choix des chansons (qui ne sont pas les leurs) est judicieux ! Entre Sean Paul, Jay Z et Kanye West, Nirvana, ou une fin sur 54-46 (Was my Number) de Toots & the Maytals, le tout rend parfaitement bien. Le public est enflammé, joueur et apprécie de danser ou de gueuler (chanter serait un bien grand mot) les morceaux qu’il reconnait du groupe, dont Watch Out For This, Jah No Partial, Get Free ou Bubble But. Mais le vrai instant de grâce est quand résonne subtilement Papaoutai du belge Stromae, et que tout naturellement il apparait sur scène pour nous proposer son avant dernier single en live. Bref, c’est donc dans l’hystérie la plus totale que s’est déroulée cette messe bling bling, qui persiste comme un des moments fort de cette 11ème édition.
System Of A Down clôt le festival, que l’on aime ou pas, c’est un évènement majeur, puisque le groupe américain d’origine arménienne est en France pour une date unique. Pleine de curiosité et de bonne volonté, je tente une approche dans la foule compacte, mais à peine deux chansons passées, embourbée je ne peux que renoncer à voir le show bien rock dans son intégralité. Néanmoins l’aperçu a rendu une impression de rodage qui répondait bien à l’excitation des plus grands fans.
23h30, aux VIP le festival n’est pas terminé, et se poursuit avec Christine, deux Djs frenchies, qui savent mettre le feu à la dernière soirée en remixant les plus grands (Daft Punk), mais aussi les autres fleurons de l’électro français, tel SebastiAn ou Gesaffelstein.
Résultat, la journée qui avait mal débuté, se finit en beauté, même si un grand manque reste présent … A$ap en espérant te voir un jour.
Lundi, tout est fini, et pourtant on est à Paris, ville Lumière que l’on associe à l’art. Ça tombe bien, Beaubourg accueil un maître du pop art au sein de ses murs, et l’entrée est gratuite pour les moins de 18 ans (culture pour tous !), alors, non le trip n’est pas terminé ! En quelques mots, une exposition intéressante, révélant les multiples facettes de Roy Lichtenstein, où réside une similitude frappante entre toutes ses pièces : son travail lisse en fait oublier la main créatrice. Pour la critique de l’exposition, rendez-vous sur http://mazemag.fr/art-2/09/2013/lautre-face-de-roy-lichtenstein/.
Pour que le séjour reste encore plus ancré dans nos têtes, sur le chemin du retour (du Marais aux Batignolles à pied en passant par Opéra, si si), c’est les écouteurs vissés à nos oreilles, et d’un pas sautillant, dansant et les bras en rythme avec les sons que nous marchons. Et de façon inattendue, c’est face à Jérémie Elkaïm, que nous nous retrouvons. Il est étonné de nous voir enfermé dans notre monde, joyeuses et aussi réceptives, même dans la rue, à notre drogue : la musique.
Merci à ma compagne de voyage : Miléna Wittmann